mardi 11 février 2014

No, Pablo Larrain



Au début du film, je me suis souvenu de deux choses à propos de Pablo Larrain : son premier film, Tony Manero, était très maniéré, parfois beau quand il devenait sale, mais ça ne racontait pas grand-chose ; son second avait été fait sur des bobines qui avaient appartenu à Kubrick, et sentait l’allégeance dévote et bête. Cela pouvait donner des indices pour comprendre pourquoi, d'un coup, en 2013, avec No, on se retrouvait face à un film Dogma, et qui n'aurait même pas la radicalité des films Dogma ; c'est-à-dire un film pas cadré, pas éclairé, à l'image atrocement baveuse.
Et puis, peu à peu, en voyant la façon dont le cinéaste intégrait les images d'archive de la télévision chilienne (le film a lieu en 1988, au moment du referendum auquel est contraint Pinochet, concernant le maintien de son pouvoir), ce choix esthétique paraît de plus en plus judicieux. Judicieux, un peu désespérant aussi, mais c'est un vrai geste : Larrain met le cinéma au niveau de la télévision, puisque la télévision a mis la politique au niveau de la publicité. Et le cinéaste parle bien de son pays - lui rend justice, en somme - en n'accusant pas (par le contraste avec la belle image du cinéma d’auteur) le kitsch des images de son enfance, mais au contraire en pliant son cinéma aux règles esthétiques de celles-ci, pour y introduire de la fiction, du récit, et de la mise en scène. Si bien que No n'a rien de commémoratif, ni d'ironique. C'est une fiction politique et historique au premier degré, très émouvante.
L'autre réussite du film, c'est l'attention que Larrain choisit de porter à son personnage principal. Il lui invente une histoire d'amour et de paternité qu'il mêle avec aisance au récit historique. Il raconte aussi très bien la tension éthique à laquelle il se trouve confronté au sein de son travail. Si bien que le personnage du publicitaire a, pour agir, des motivations très diverses, parfois contradictoires, et on ne sait jamais vraiment ce qui prime. Et surtout, Larrain filme son acteur, Gael Garcia Bernal, avec une attention presque amoureuse. On a plaisir à le suivre, à chaque plan, dans cet étrange état auquel il se tient, entre la présence et l'absence, entre l'enfance et la conscience, entre l'apathie et l'ivresse.

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