jeudi 21 avril 2011

Source code - Duncan Jones

Le film n'évite aucun des poncifs du genre : sentimentalisme en guise de rachat final, philosophie de la vie façon se sentir mieux dans ses baskets en douze jours, réconciliation avec le père, et antimanichéisme finalement très manichéen (au lieu d'un clan contre l'autre, c'est les manipulateurs contre les manipulés)... Mais, bizarrement, il s'en tire plutôt bien. Il s'en tire bien parce que Jake Gyllenhaal est un grand acteur, charismatique et bouffon, loin de l'underacting sourcillo-maxillaire très en vogue chez les acteurs américains du moment toujours pas remis de la performance de Brando dans Le parrain et sa mâchoire pleine de coton. Gyllenhaal, lui, est un étrange mélange de De Niro et Cary Grant, à la fois très volontaire dans son jeu et très distancié, avec une intensité toujours relevée par une forme d'aristocratie légère, guillerette, sautillante. Sa présence seule suffit à faire sortir le scénario scientifico-humaniste de ses gonds. A lui donner la légèreté dont manque cruellement Matrix, par exemple, ou Memento.

Ensuite, il y a une chose étrange, rare dans ce type de cinéma, et on se demande à quel point tout le film n'a pas été construit autour de cette idée ou de ce désir : quelques minutes autour d'une sculpture d'Anish Kapoor à Chicago. Avec son jeu de piste sur les mondes quantiques, Duncan Jones semble vouloir faire l'éloge de cette sculpture, et poser sur elle une hypothèse : et si Anish Kapoor nous proposait, par son travail sur le reflet et sa déformation, une réflexion sur ce que pourrait être un monde semblable au nôtre dans un temps parallèle ? Et si les sculptures d'Anish Kapoor, plus que des formes et des matières, plus que de la lumière, étaient du temps ? Dans cette façon de placer un monument au coeur de son film, Duncan Jones revendique, d'une certaine manière, une paternité hitchcockienne, que son film assume avec beaucoup d'énergie.

L'autre grande joie de Source Code est sa répétitivité. Le héros se retrouve projeté de nombreuses fois dans un train dans la peau d'un autre homme, train dans lequel une bombe a été posée qui explosera 8 minutes plus tard. Ces 8 minutes sont rejouées à foison, comme dans Un jour sans fin, dessinant, par leur répétition, un univers très vaste, très riche, fait de choix, d'hypothèses, de paroles, de doutes et de suspicions. A ces 8 minutes, il y a un contrechamp, antichambre d'éternité, capsule givrée où Jake Gyllenhaal doit rendre des comptes avant d'en être de nouveau expulsé, compilant les renseignements jusqu'à l'élaboration d'une solution pour sauver le monde (c'est-à-dire Chicago). Cette alternance d'action et de réflexion, de moments où il faut être le plus rapide possible et d'autres où il faut au contraire gagner du temps pour sauver sa peau en plus de celle de l'humanité, donne au film une architecture solide et réjouissante. J'aurais aimé que cela soit plus poussé et plus radical, mais c'est quand même une bonne surprise.

Aucun commentaire: