vendredi 1 avril 2011

Cinéma du réel, jour 8 : Dom de Olga Maurina, La guerre est proche de Claire Angelini, Pa Rubika Celu, La croix et la bannière

Dom, de Olga Maurina

Deux hommes, une femme. Ils vivent là, aux abords d'une gare de Moscou, sous des bâches abritant des chiens et une télévision. Ils ont pour projet de se construire une vraie maison, et ils le font, ensemble, avec des planches et des morceaux de polystyrène. S'ils le veulent, c'est que leur collectif est harmonieux, peut s'inscrire dans la durée, même si c'est dans la rue. Et c'est cette harmonie que la réalisatrice nous montre.
Ca commence comme des tableaux, les cadres ont une force inouïe, il y a des visages et des corps perdus dans des amoncellements d'objets, de matières et de couleurs. C'est un travail de peintre, auquel la parole s'ajoute, comme si les modèles pouvaient parler, dire ce qu'ils font là, nus, devant nous.
Nous entendons leurs histoires. L'un était joueur de football professionnel, il avait voyagé en Inde, il avait vu un clochard couvert de mouches. L'autre était soldat en Tchétchénie, mais après une année passée là-bas, il n'a jamais pu y retourner. Déserteur, pour les autorités, il n'existe plus. Elle, on ne sait pas. Elle a des filles quelque part, à l'autre bout d'un téléphone, qu'elle appelle, et auxquelles elle dit "bientôt, bientôt", mais le retour ne vient pas, et ses compagnons se moquent d'elle. Quelque chose la tient là, sous les bâches.
Le joueur de football raconte une histoire. Il travaillait pour une église. Il devait replacer une croix couverte de feuilles d'or au sommet de l'église. Mais il la place à l'envers, et une tornade se déclenche aussitôt. Il parvient finalement à placer la croix au bon endroit. On le remercie d'une belle lettre, d'une icône, et d'une grosse somme d'argent. Il avait caché qu'il était musulman. Cette histoire, parce qu'elle est racontée par cet homme, et parce que cet homme est filmé de cette façon, est la plus belle histoire du monde.
En même temps qu'Olga Maurina délaisse peu à peu les portraits pour s'attacher au quotidien, à l'aventure de cette maison en construction, le printemps vient sur Moscou. Les corps enfouis de l'hiver s'animent, scient des planches, plantent des clous, se tordent l'épaule, se percent le doigt. Le déserteur surtout, développant des ressources physiques qui semblent inépuisables.
Quand la maison est terminée, survient l'émotion de quitter l'abri qu'ils aimaient. Le déserteur ne veut plus partir. Dès qu'il s'absente, les autres arrachent les bâches, cassent les piquets. Même là, il faut avancer.
Autour d'eux, dans les perspectives des cadres, on a vu de grands immeubles modernes aux façades de verre. Et en construisant cette maison sur un terrain vague, c'est comme s'ils s'étaient inspirés de la démesure des alentours. Seulement, c'est une démesure à leur mesure.
En un sens, c'est un film renoirien, c'est ce qu'il reste de Renoir, là, à la rue. On voit des gens, on voit ce qui circule entre eux, on voit comme une famille choisie dans un destin subi.

La guerre est proche, de Claire Angelini

Des plans fixes du camp de Rivesaltes, aujourd'hui en ruines. Des façades renversées, des murs fissurés, des dalles qui ne portent plus aucun mur, des cabanes qui résistent mais sans toit.
Le film est découpé en quatre chapitres, et chacun est porté par une parole : celle de l'architecte, de l'Espagnol, de la Harki, de la militante. L'architecte nous explique comment se font les ruines, et comment les ruines sont le destin de ces lieux où certains hommes ont voulu en dominer d'autres. L'Espagnol nous raconte son enfance passée dans ce camp. La Harki, également, mais son enfance est plus proche de nous. Et puis la militante, qui ne veut pas qu’on oublie qu’avant de n’être qu’un tas de ruines, ce lieu était un centre de détention, ni qu’avant d’être un centre de détention, ce lieu était un camp de concentration. Ce sont quatre voix qui font les quatre temps du lieu : son origine, ses débuts, son 'épanouissement', sa mémoire.

Pa Rubika Celu, de Leila Pakalnina

Ca dure trente minutes, ça pourrait en durer cinq, ou bien huit heures. Ca ne va nulle part, ça ne dit rien, ça vire au système à toute allure.
Pourtant, il y a une élégance à filmer ces promeneurs sur une voie cyclable. Une élégance dans le montage, des intuitions burlesques, un sens du tempo. Beaucoup de talent et de technique au service d'aucun engagement. Pa Rubika Celu devient peu à peu aussi dense et cumulatif que Vidéogag.

La croix et la bannière, de Jürgen Ellinghaus

C'est en Allemagne. Ca montre des gens racistes et bêtes et contents d'eux. Et ça les montre de façon raciste, bête, et contente de soi. Epouvantable.

***

Ai tenté d'accéder à la projection de Sleepless night stories, le dernier film de Jonas Mekas, mais impossible. Ai bu une bière à la place, en pensant bien à lui.

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