lundi 14 mars 2011

L'affaire des divisions Morituri (1985) & Le trésor des îles Chiennes (1990) - FJ Ossang

L'affaire des divisions Morituri, 1985

Naissance de Ossang au cinéma, après les voitures, la poésie, et le punk. Et c'est mêlé de ces trois incarnations précédentes qu'il se présente. Les voitures : le film avance comme une machine, il broie, il décape. La poésie : elle est là, partout, dans les dialogues d'abord, déclamée par les personnages, dans le montage ensuite, godardien, plein d'associations fausses, donc vraies. Le punk : parce que le film est profondément romantique, soutenu dans ses déliquescences par Throbbing Gristle et Cabaret Voltaire.
On pourrait croire à la pose, mais elle tout de suite sabrée, dès qu'elle pointe le cinéma d'Ossang l'assaille et la renvoie aux oubliettes. Ainsi Nietzsche et Artaud sont convoqués, mais c'est pour s'en moquer avant tout. Mieux : les exploiter. Nietzsche et Artaud sont les esclaves du film, et pas les maîtres. L'irrévérence est belle à voir.
Il y a la bande à Baader en toile de fond, il y a la drogue qui parcourt le film, il y a un jeu constant entre images laides et images grandioses, entre épopée et néant. Le film est le ramassis de toutes ces choses disparates qu'il écrase aussitôt. Le leitmotiv de L'affaire des divisions Morituri est écrit sur un carton : "Images, images, nous sommes images du film coma !" Ossang croit que le film oublie, que la pellicule n'imprime pas, que la mémoire n'a pas le cinéma pour lieu. C'est autre chose qui y circule, plutôt que la mémoire : le désordre.

Le trésor des îles chiennes, 1990

Sortir de l'île, ce serait sortir du film. Mais les héros, en bande, n'ont qu'une voiture. Les seuls bateaux qu'on voit sont des épaves. Les avions ne décollent pas, et il n'y a plus d'hélicoptère.
Le trésor des îles chiennes est un film de science fiction sans science ni fiction - simplement des figures errant dans les paysages qui se resserrent sur eux, les étreignent, les rejettent, les écrasent. Le ton est d'outre-tombe : "leurs yeux sont des boules de mort". Mais dans l'apathie générale de cette métaphore d'une lente descente d'acides, surgissent quelques moments majestueux. Une baignade, un égorgement, des hommes en train de marcher.
Quelque chose convainc moins que dans les deux films qui suivront. Le trésor des îles chiennes voudrait tout faire trembler mais n'y parvient que par instants, et ces instants sont peu, au vu des nombreuses défaites du film, qui ne cesse de se battre en force, frôlant l'overdose.

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