vendredi 25 mars 2011

Cinéma du réel, jour 1 : On the waves of the Adriatic, de Brian McKenzie & 3 films inédits de Pierre Clémenti

On the waves of the Adriatic, de Brian McKenzie, Australie, 1990, Prix du Cinéma du Réel en 1991

Dans la banlieue de Melbourne vit Graham, la vingtaine, pas spécialement futé, et vite accablé par tout ce qu'il a à faire. Chez lui traîne Harold, un type qui semble être là par hasard. Il a pour meilleur ami un émigré grec, Stephen, dont le corps fait littéralement exploser les vêtements qu'il porte. On voit aussi la mère de Graham, plutôt acariâtre, et son père qui passe en coup de vent, seul travailleur dans cette maison.
Le cinéaste suit cette petite bande sur une période assez longue, en prenant pour point de départ Graham réparant un vélo. C'est sans doute comme ça que l'idée du film est née : d'abord filmer quelqu'un réparant un vélo, et puis le cinéaste s'est laissé entraîner dans la spirale infernale d'un esprit complexe. Car la réparation du vélo fait naître chez Graham le désir de posséder une voiture. L'opération prend plusieurs mois. Quand la voiture finalement débarque sur le trottoir, on s'aperçoit que Graham n'a pas le permis et ne pourra donc pas la conduire - il cache alors à son père que la voiture garée devant chez lui lui appartient. Heureusement, un ami emboutit le véhicule, dont Graham finit par se débarrasser. Raconté comme ça, on n'imagine pas le temps que prend chaque chose, chaque décision, chaque action. C'est quelque chose d'effroyable. Un délire lent. Un délire de lenteur où les rêves sont toujours cernés d'impossible.
La chose qui m'a le plus intéressée tient au rapport de chacun des personnages à la caméra. Chacun a une manière singulière de s'accommoder de sa présence. Graham est comme un acteur normal faisant parfois irruption face caméra pour se confier. Il alterne entre le "comme si elle n'était pas là" et le "elle est là et j'ai quelque chose à dire". Harold est toujours avec elle dans l'aparté. Quand quelque chose se passe qui ne le concerne pas (et cela arrive souvent), il regarde la caméra du coin de l'oeil. Il s'adresse à elle aussi, commentant l'action. Stephen semble flatté par sa présence, il tente de se montrer sous son meilleur jour, souriant à outrance. La mère de Graham l'invective, ou s'en cache : la tête dans l'arbre fleuri, la tête sous un sac, la main pour se protéger. Le père a un rapport plus conventionnel, presque télévisuel : il considère que cette caméra est quelque chose de tout à fait normal, qu'il n'y a pas à jouer, seulement à répondre aux questions qu'on pose, et c'est tout, ça passera.


Puis 3 films inédits de Pierre Clémenti, sauvés de l'oubli par Antoine Barraud et Catherine Libert :
La deuxième femme (1967-1978)
Souvenir souvenir (1967-1978)
Positano (1968)

Visiblement, Pierre Clémenti a tourné, beaucoup tourné, et le fait de filmer accompagnait son existence. On voit ainsi sa vie, sa famille, ses amis, les tournages des films dans lesquels il joue, les pièces de théâtre, les pays traversés. Tout s'y retrouve mélangé sous forme d'élégie hallucinatoire, aux revendications édéniques. La nudité est constante, parfois érotique, parfois pas, elle est là.
Les séquences les plus écrites sont des plans où Clémenti joue sa propre mort et la rejoue encore. Manière de la défier, sans doute, en tout cas de l'appréhender par le cinéma. La mort est ainsi logée au coeur de l'existence, elle en fait partie. Ces films sont à la fois des poèmes et les documentaires d'une vie.
Il y a beaucoup de surimpressions dans ces trois films, et c'est comme si, pour chaque image, il fallait en trouver une autre lui correspondant. Comme s'il fallait toujours placer une image au sein d'une autre. Dire où sont ces figures, où est cet enfant, où est cet amour.

Aucun commentaire: