mardi 4 janvier 2011

V for Vendetta - James Mc Teigue

V for Vendetta est un film étrange, mélange de manifeste insurrectionnel et de conformisme hollywoodien. Le propos aurait besoin de ce masque pour éclater dans toute sa violence.

Il est d’ailleurs question de masque dans le film, et d’artifice. La destruction des symboles nationaux se fera en musique, la parole révolutionnaire sera émise par un masque toujours souriant. Tout doit se passer comme si cette parole ne devait pas être attachée à l’individu qui la prononce. La condition de l’universel, selon James Mc Teigue, c’est l’anonymat. La condition de la violence partagée, c’est le spectacle. La forme hollywoodienne apparaît dès lors comme une nécessité, car c’est la forme de l’éloquence, de la rhétorique sans mise en doute possible. James Mc Teigue est lui-même une forme d'anonymat - enrôlé par les frères Wachowski, qui ont écrit le scénario et choisi pour réalisateur de cette machine à 100 millions de dollars un parfait inconnu, le propulsant ainsi sur le devant de la scène à leur place. V for Vendetta ne devait pas être lesté par le souvenir de Matrix, alors qu'il en est la continuité directe.

Une autre raison de cette nécessité formelle, c’est le refus de la coïncidence. Hollywood est une machine logique, rationnelle, qui va contre les coïncidences, qui les affronte et les relie entre elles comme les pièces d’un puzzle formant inévitablement une seule image. Le langage révolutionnaire ne peut être celui de l’opprimé, mais celui du pouvoir – il est une prise de pouvoir, et non de risque. Il y a une logique de l’Histoire, que suit la forme hollywoodienne, et que le film se croit devoir emprunter. C'est un étrange paradoxe que ce mélange de surgissement spectaculaire et de racines mises en lumière.

Il y a aussi la narration du film en poupées russes. Chaque histoire contient une histoire qui contient une histoire qui contient une histoire… Et chaque histoire, même la plus infinitésimale, la plus éloignée, compte infiniment, se faisant le secret de la suivante, son ombre ou sa raison. Ainsi Natalie Portman emprisonnée trouve-t-elle dans un trou du mur de sa cellule l’histoire d’une détenue qui était là avant elle, et qui a écrit sa vie sur un morceau de papier toilette. Natalie Portman lit chaque jour ce récit, et c’est ça qui l’aide à tenir, la mémoire de cette femme, sa survivance en elle – c’est cette mémoire, cette identification à une mémoire passée, qui modèle son héroïsme et l’affirme absolument. La forme narrative est une nécessité : c’est elle qui tisse des liens entre les temps et entre chaque individu, vers une fin communément partagée – et vers un infini aussi : il y aura toujours une nouvelle histoire.

Aucun commentaire: