lundi 6 décembre 2010

Memory Lane, de Mikhaël Hers & The swimmer, de Frank Perry

Deux histoires d’un retour. Dans Memory Lane, quelques jeunes gens reviennent passer l’été dans la bourgeoise banlieue parisienne où ils ont grandi. Dans The swimmer, Burt Lancaster retourne chez lui à la nage, en passant par les piscines de chacun de ses voisins, connus ou inconnus. Ces deux films font l’état d’un présent qu’on n’a pas vu venir.

Memory Lane avance par touches impressionnistes successives, brèves scènes où pointe presque toujours un sentiment, une nuance, un flou supplémentaire plutôt qu’une précision. L’histoire se construit peu à peu, d’abord confuse par son refus de surligner quoi que ce soit et la multiplication de ses intrigues, mais toujours très sensible. Le film, ramifié, nervuré comme la feuille d’un arbre, émeut souvent par la justesse de son propos. Mikaël Hers est sans doute un cinéaste à suivre.

Il y a dans Memory Lane quelques scories malheureuses (la scène avec les fans de Bon Jovi, méprisante et surtout pas très drôle, jouant sur la supériorité du goût musical d’une bande de nantis joueurs de tennis, sans oser vraiment la provocation), mais rien de franchement disqualifiant. La façon qu’a le cinéaste de s’emparer du paysage de la banlieue parisienne sud-ouest donne au récit une tonalité aérienne et mystérieuse. Memory Lane révèle une vision du monde déjà singulière. Ce film avec des gens qui ne cessent de marcher en groupe, dans des rues, dans des parcs et sous des ciels parfaitement dessinés, est comme une série de pochettes de disques animées.

The swimmer est autrement plus théorique. C’est un road-movie sans les grands espaces, un pool-movie, une invention complètement délirante. Le film fait le récit d’une désillusion. On croit d’abord au bonheur, si stéréotypé soit-il, du personnage de Burt Lancaster. Quinquagénaire vénéré par toutes les femmes de ses amis, aventurier de l’infime, son voyage de piscine en piscine fait exploser les cadres du paysage champêtre de cette banlieue new-yorkaise. Mais on s’aperçoit vite que l’ivresse est passagère. Des histoires encore assez vagues de dettes et de déchéance sociale viennent gangrener le corps athlétique, le visage rectangulaire, les dents blanches et les yeux bleus de Burt Lancaster, avant de le rompre tout à fait avec une fin virulente et désenchantée. Tout ce sur quoi reposait la gloire d’un homme se révèle être un parfait mensonge, auquel l’homme continue de croire.

Cette critique sociale très habile est aussi un véritable laboratoire de formes. La mise en scène est la grande arme du film. Il y a des séquences prodigieuses, comme celle où Burt Lancaster nage avec un petit garçon dans une piscine vide en lui donnant une leçon de vie. C’est à la fois le portrait d’un mythomane et l’étude d’un corps. Tout s’y trouve lié : l’esprit, le corps et la société. Frank Perry fait un film de peintre, de psychologue, d’anatomiste et de pamphlétaire.

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