jeudi 30 décembre 2010

Le quattro volte - Michelangelo Frammartino

Au début ça fait un peu peur. Quelques journées dans la vie d'un vieux berger. De beaux plans, mais sans suite, sans propos. La poussière vole dans l'église. Et puis ? Et puis rien. Sous un prétexte documentaire (immersion façon Depardon du spectateur citadin dans une ruralité épaisse), le cinéaste passe à un côté d'un film plus grand, plus large, plus ouvert sur des zones fantastiques que sa mise en scène initie sans les développer - pense-t-on...

Car la mort du vieux arrive. Mort orchestrée de façon magistrale, grande leçon de mise en scène, on pense à l'ingéniosité de De Palma, ou comment tout tournera autour d'un caillou, d'un chien, et d'une procession religieuse. Eléments qui n'ont a-priori rien à voir avec la mort du berger, mais qui vont tendre vers elle de façon spectaculaire, et nous y conduire sans qu'on s'en soit aperçu.
Ensuite, un chevreau naît. Et le film se dégage de l'humanité qu'il explorait consciencieusement, pour se focaliser de façon plus goguenarde sur le règne animal. Frammartino se fait alors le Jacques Tati de quelques chèvres, d'un troupeau circulant entre l'abri et les collines, distinguant ce qui dans la masse cesse de faire masse, dans le mouvement ce qui le contredit. D'inspiration profondément chrétienne, cette nativité devient un moment de cinéma burlesque imparable.

Puis le chevreau s'égare, et dans la mort qui vient voit un sapin. Le film passe alors, tout simplement, au règne végétal. C'est ce sapin qui sera choisi pour la fête traditionnelle qu'on voit dans un autre film italien, Il dimenticati, de Vittorio de Seta. Coupé, rasé, réduit à n'être plus qu'un tronc, puis planté sur la place du village pour qu'il soit escaladé.

Survient alors le règne minéral. La fête est passée, le sapin est découpé puis donné aux charbonniers. Charbon qui fait fumer les quelques cheminées du village. Le film de Frammartino est une ronde. Il n'y a pas 4 personnages, mais 5. Il y a le berger, le chevreau, le sapin, le charbon - et il y a aussi l'esprit qui les unit. Que cet esprit soit la mise en scène du cinéaste, ou quelque chose de plus secret, plus souterrain, c'est affaire de croyance. Mais la mise en scène elle-même nous invite à croire. Car c'est un cinéma qui n'a qu'un seul sujet : la foi et sa fabrication. La façon dont l'artifice dénoncé, mis en évidence, fait advenir quand même la magie. Pascal disait qu'il faut prier pour avoir la foi. Ce film est une prière - un pari en tout cas.

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