mercredi 1 décembre 2010

Outrage - Autoreiji - Takeshi Kitano

Ce qu'il reste d'un corps, une fois celui-ci vêtu du costume yakuza (qui n'est autre que le costume d'un quelconque homme d'affaires), ce sont deux mains et un visage. Et ces deux mains et ce visage sont pour les ennemis un territoire à conquérir. Pour se faire pardonner d'un mauvais coup, on offre une phalange. Pour punir quelqu'un, on cherche la meilleure façon de le défigurer (voire de le décapiter).
C'est de cela que parle Kitano dans son nouveau film : tout ce qui apparaît est une proie possible, un espace sur lequel l'autre peut empiéter à tout moment.

Ce qui apparaît : on pourrait résumer ainsi le talent de cinéaste de Kitano. Les meurtres, nombreux, sont des surgissements, trouvant dans des solutions plastiques minimales et furtives une forme d'éclat. L'action semble s'y résoudre avec évidence. A la façon de cet assassinat dans un wagon passant sous un tunnel, où toute la tension de la scène se libère dans une vision lumineuse. Il y a là quelque chose de grandiose, entre l'effroi physique insoutenable et le burlesque.
Le problème, c'est que c'est la seule chose qui intéresse Kitano. Pour le reste, il fait semblant. La narration est lâche, servant d'écrin à une série de meurtres magnifiques mais dilués, et l'histoire ennuie assez vite, terriblement alambiquée, inutilement complexe, investie par aucune nécessité, malgré quelques détails savoureux (toute une série de gueules phénoménales, un acteur noir qui joue comme un Japonais, et le survêtement blanc du roi des Yakuzas). L'intrigue est un peu comme l'eau dans le vin : elle atténue les effets d'une éventuelle ivresse.

Takeshi Kitano n'est toujours pas sorti de son embourgeoisement (de sa dépression, disent les journaux). Il fait ce qu'on attend de lui, mais sans y croire. Je préférais son Takeshi's, très mauvais, qui avait cependant la grâce d'un hara-kiri réussi. Pourquoi avoir continué à vouloir faire le même cinéma après s'être mis à mort d'une façon aussi claire ?

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