jeudi 18 novembre 2010

En présence d'un clown - Larmar och gör sig till - Ingmar Bergman

Où l'on encule un clown, qui n'est ni vraiment la mort, ni la folie. Qui n'est pas la personnification d'une quelconque idée, contrairement au faucheur du Septième Sceau. Qui est une simple vision inexpliquée, surgissant dans l'esprit d'un homme timide et violent, génial et misérable. Une vision et son revers : l'enthousiasme jusqu'au délire, la vitalité jusqu'à l'obscénité morbide. Un clown sale, édenté, poussiéreux, lubrique. Voilà ce qui agite les nuits de Carl Akerblom, inventeur éphémère du cinéma parlant, qui devra, pour cause d'incendie, réinventer le théâtre - et à Ingmar Bergman, face au théâtre forcé, de réinventer le cinéma.
Il y a quelques cinéastes qui ont bien fait de faire des films toute leur vie. Bergman en fait partie. Ses films sont devenus de plus en plus précis et de plus en plus amples, inintentionnels et maîtrisés. Les figures sont laissées libres pour le spectateur. Mais elles sont là, elles existent, tenues, travaillées. Et le spectateur, au lieu de les interpréter, les habite comme il l'entend.
Elles sont là par évidence. Les personnages d'En présence d'un clown et leurs actions semblent avoir toujours existé. Bergman est simplement venu les attraper. Leur donner forme. On pourrait dire : mathématiquement. Ou musicalement. Telle phrase prononcée au détour d'une scène resurgira plus tard, à la façon d'une mélodie. Tel personnage secondaire, brièvement aperçu, trouvera à sa seconde apparition une ampleur émotionnelle et narrative hors du commun. Il y a dans l'avant-dernier film de Bergman une concision et un minimalisme des effets qui ne produisent que de l'immensité. Des ouvertures où l'imaginaire, l'empathie, l'intelligence du spectateur viennent s'engouffrer. En présence d'un clown est un attrape-rêves.

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