jeudi 21 octobre 2010

North on Evers - James Benning (1991)

North on Evers est un film composé d’une multitude de plans fixes et brefs montés dans l’ordre chronologique d’un voyage à travers les Etats-Unis, et du texte du journal intime du cinéaste durant ce voyage qui défile au bas de l’écran, manuscrit.

Ces plans fixes, c’est le contraire du road-movie. Nulle impression de voyage, au sens linéaire du terme, mais plutôt d’un étoilement – d’un rayonnement des visions. Ces images ont un centre : le cinéaste, dont la présence se déclare au bas de l’écran. North on Evers dit l’importance de celui qui regarde.

C’est, pour l’instant, le film de James Benning que j’aime le moins. C’est le moins complexe, le moins conceptuel, et c’est étrangement celui qui me semble le plus théorique. Personnel pourrait-on dire aussi – sans doute, mais alors au sens de refermé sur lui-même. Il y a les paysages américains, les visages des amis, l’eau, les ciels, les constructions humaines – il y a tout ce qui compose les autres films du cinéaste, mais dans un mouvement de retour sur soi, sans lumineuse intuition.

C’est peut-être aussi parce que le film fait un pari qu’il sait perdu d’avance : le road-movie n’en sera pas un, et ne sera que ça. Le texte et les images feront l’objet d’un choix plus que d’un mariage, et parfois d’un choix forcé, puisque certaines phrases s’éclipsent dans les parties sombres des paysages. Ce n’est d’ailleurs pas inintéressant : les pensées avalées par les visions sans soleil, les affects perdus dans les noirceurs du monde – mais on en reste là, on ne peut pas lire, alors on ne sait pas ce qu’on perd. On ne devine pas un texte de la même façon qu’une image.

C’est d’ailleurs en cinéaste que Benning aborde la question du texte : plutôt que d’enchaîner des sortes de sous-titres, propositions fixes au rythme calculé, il fait défiler les phrases, et nous impose alors un rythme de lecture qui n’est pas celui de la lecture. Il ne ménage aucun arrêt, n’accélère pas, ne ralentit pas, enchaîne, comme si le temps de la lecture était similaire à celui de la vision. Dès lors, ce n’est plus un texte, mais la composante mobile d’images fixes, un mouvement hiéroglyphique au bas des plans.

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