samedi 1 mai 2010

Jean Rouch #2 : Le dama d'Ambara & Cimetières dans la falaise


Le peuple de la falaise
Au pays des Dogons, Marcel Griaule, Mali, 1931

Sous les masques noirs, Marcel Griaule, Mali, 1939

Funérailles dogon du professeur Marcel Griaule, François di Dio, Mali, 1956

Cimetières dans la falaise, Jean Rouch, Mali, 1951

Le Dama d'Ambara, Jean Rouch & Germaine Dieterlin, Mali, 1974

Les deux films de Marcel Griaule présents sur ce dvd, Au pays des Dogons, 1931, et Sous les masques noirs, 1939, ne sont pas, en eux-mêmes, d’un intérêt flagrant. Il y a là moins de cinéma que chez Jean Rouch, un sens du cadre moins affirmé, une narration moins haletante – en fait, il s’agit plus de documents que de cinéma.

Mais dans ce dvd consacré à la mort et aux cérémonies funéraires, il était essentiel, pour comprendre ce qui se passe dans l’œil de Jean Rouch, de présenter ces films. Marcel Griaule n’a pas seulement indiqué à Jean Rouch le lieu où vivent les Dogons, il ne lui a pas seulement ouvert un monde cinématographique, il a aussi, vraisemblablement, été un ami, peut-être une idole, sans doute l’élément-clef d’une cosmogonie personnelle.

Quand, dans Le Dama d’Ambara (1974), Jean Rouch filme la cérémonie où les masques viennent danser pour enchanter le mort et lui faire quitter le village afin de laisser en paix les vivants, ce n’est pas seulement du mort du village de Sangha qu’il s’agit, mais aussi de Marcel Griaule. Jean Rouch invente le cinéma-Dama, lisant les textes de Griaule, lisant le vacarme que son esprit toujours présent fait dans l’image. On sent sa présence à chaque plan : c’est lui qu’il faut enchanter, c’est lui qui doit rejoindre le pays des morts, ces danses, ces images de danse sont pour lui, qui de mort est devenu fantôme, et de fantôme deviendra ancêtre.

Ce qu’on apprend, en même temps, de la mythologie dogon, est passionnant. Au début les hommes étaient immortels, et Dieu leur donna la parole, et avec la parole la mort. Les mots sont du temps.

Le Renard Azagay, représenté par un masque à six yeux, génie du désordre, inventa le premier Dama pour célébrer la mort de Dieu son père, dont il avait dérobé « le placenta soleil et les graines de sexe ».

J’ai vu ce film plusieurs fois, pour mieux entendre et relier entre eux les faits de cette incroyable culture, et pour m'imprégner des danses et des masques de cette cérémonie, qui, dit-on, n’enchante pas seulement les morts, mais aussi les vivants, lesquels en la regardant deviennent mortels.


Cimetières dans la falaise (1951) a été réalisé en même temps que Bataille sur le grand fleuve et Yenendi – il est de la même trempe épique, très court, esthétiquement impressionnant, où l’on s’attache à comprendre la géographie dogon, les villages, les lieux, au travers d’une histoire très précise : un homme s’est noyé, le corps a disparu, les Dogons le cherchent et quand ils le trouvent le placent avec les autres corps, dans des grottes difficilement accessibles, accrochées à la falaise. Ce que le cinéma apporte à l’ethnographie, c’est peut-être l’inscription de la culture dans le paysage. De même, parler des masques et ne pas les montrer, serait passer à côté du fait que l’éthique dogon ne cesse de trouver des résolutions esthétiques.

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