lundi 12 avril 2010

La sirène du Mississipi - François Truffaut

J'ai revu La sirène du Mississipi hier soir sur Arte. Il me semble que c'est un beau film d'amour. On dit qu'il s'agit d'une passion, mais l'état que connaît le personnage de Belmondo à la fin, empoisonné par Deneuve (après avoir été ruiné par elle, tué un homme pour la protéger, et quitté son île pour la retrouver), comprenant qu'elle est en train de l'empoisonner, et l'acceptant sans renoncer à ce qu'il éprouve pour elle, je crois que Truffaut a voulu distinguer cela de la passion, et parler, malgré l'excès des formes convoquées, de ce que peut être l'amour. Et c'est ça qui empêche Deneuve d'aller au bout de sa pulsion meurtrière : Belmondo apparaît à ses yeux comme un Saint, il connaît quelque chose qu'elle n'a jamais connu, cet état de confiance et d'abandon, quand elle a passé sa vie à fuir.

Film très physique, évacuant les lieux et les décors, pour se concentrer sur les corps, sur ce qui se passe entre eux. Avec une scène notamment, une scène traitant de l'érotisme du couple, où Belmondo, après 4 jours d'absence, annonce son retour à Deneuve par le biais de l'interphone. Et tandis qu'il prend l'ascenseur, elle se rhabille et s'allonge - et ce strip-tease en sens inverse suggère toute la suite. En masquant le désir, Truffaut épaissit sa présence et le rend palpable.

J'aime la tension du film, souterraine, que les intrigues secondaires, au lieu de disperser, soulignent. L'atmosphère du polar pour ne parler de rien d'autre que des sentiments. Comme le disent Deneuve et Belmondo en sortant de Johnny Guitar : ils pensaient que ce serait un film avec des chevaux, et c'est un film d'amour.

La sirène du Mississipi est d'ailleurs un grand film cinéphile. Truffaut s'amuse avec Hitchcock, fait des clins d'oeil A bout de souffle, et des appels au Mépris. Son amour du cinéma transparaît assez simplement, presque naïvenement.

Et puis il y a de vraies trouvailles de mise en scène, où l'image présente en appelle mille autres moins visibles. Cela tient peut-être à Deneuve, à son secret, à sa réserve, à cet autre monde où elle semble vivre et qu'on ne voit jamais - mais cela tient aussi à des fulgurances, comme ce moment où Belmondo comprend que Deneuve est en train de l'empoisonner en croisant du regard un encart de abnde dessinée dans un journal, où Blanche-Neige croque la pomme de la Sorcière et s'évanouit.Ce qui m'a semblé très émouvant dans ce film, c'est qu'au lieu d'en faire des monstres (ce serait la pente naturelle du film, son évidence de fait divers), Truffaut nous présente des êtres humains, certes marginaux, certes en cavale, mais révélés à eux-mêmes.

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