mercredi 17 mars 2010

Bad Lieutenant - Port of Call New Orleans - Werner Herzog

On peut se demander pourquoi Herzog s'est intéressé à ce scénario inepte de petits larcins vus mille fois et d'hallucinations moyennes (des animaux surgissent dans quelques plans, un breakdancer breakdance derrière un homme mort, une cuillère en faux argent fait office de mythologie enfantino-affective) : il y a de jolis moments, mais ils sont trop rares et trop encombrés de banalités - le cinéaste est déjà allé bien plus loin. Il y a dans Bad Lieutenant comme une timidité d'inspiration.
La démarche de Herzog semble ironique : faire un anti-polar avec un anti-héros, se foutre de l'intrigue, ne s'intéresser à rien, pas même vraiment à ses acteurs, ni à la Nouvelle Orléans. C'est fortement déplaisant. L'impression d'un alignement de scènes obligatoires envisagée avec une désinvolture infructueuse, si ce n'est la résolution de l'intrigue, en une scène improbable, assez savoureuse.
Narration lâche, direction d'acteurs plutôt floue (Eva Mendes est piteuse, Nicolas Cage est pas mal mais trop cantonné à sa bizarrerie naturelle), décalages radicaux trop clairsemés pour être honnêtes : Herzog voudrait marquer un genre avec son style, mais finit par éteindre son style dans un genre qui n'opère avec ce dernier aucune friction lumineuse.
Certes, il aura décrassé de ses oripeaux catho-chiants l'original de Ferrara, mais ses bibelots de griot californien encombrent chaque plan d'une religion nouvelle, celle qu'il semble vouer à sa méthode et à sa toute-puissance. Je ne fais pas trop confiance aux cinéastes qui s'essaient à un genre : c'est s'accorder beaucoup d'importance, me semble-t-il.
Et puis on connaît Herzog bien meilleur géographe : là, c'est la Nouvelle Orléans, mais ça aurait pu être tourné en studio. Triste à voir.

2 commentaires:

Davis a dit…

Oui, c'est triste à voir. Le cinéma qui ne croit même plus en lui-même, tellement complaisant que n'importe quel quidam arrosé de séries et noyé dans sa vie morne rit de bonne entente avec "l'idée de" dont l'asperge Herzog. L'idée du crack. L'idée de c'est moi qui ai le plus gros zob. Et le pire, l'idée du désespoir, sans la force de sa pensée. C'est le moment où le "hard core" - agréable terme- surgit dans un monde si pauvre de pensée qu'il devient lui aussi une idée. L'idée du hard core.
En bref, c'est un film cynique. Un oxymore qu'il faut interdire de territoire. J'attendais vaguement l'ironie - elle arrive à un moment, ça fait un peu léger dans un film. La scène du don de la cuillère, à la fin. Le regard humide et béat de Mendès face au don de Cage si dérisoire qu'il se réduit à de l'incapacité.
Le film m'a tellement foutu les boules que je suis sûre que c'est aussi de sa faute si j'éprouve des difficultés à retourner dans des salles depuis, le désert - je me réfugie dans les dvd en attendant de jours meilleurs.

asketoner a dit…

Je viens de découvrir votre commentaire.
C'est vrai ce que vous dîtes. Le film voudrait se relever par le simple truchement d'une histoire de petite cuillère. Mais ça n'existe que pour le film. Ce n'est pas à l'intérieur.
Et c'est rare, chez Herzog, de voir des images aussi peu habitées.