lundi 3 août 2009

La petite Vera - Malenkaya Vera - Vassili Pitchoul

C'est l'histoire de Vera, une jeune fille qui s'émancipe, par les fêtes et par la sexualité, loin de la morbidité familiale (Vera est le deuxième enfant, c'est-à-dire celui qui permet d'obtenir un appartement). Elle rencontre Sergeï, un garçon qui vit dans une chambre à laquelle on ne peut accéder que par une échelle, avec l'image immense d'un tigre collée au mur, et quelques ouvriers Cubains qui parfois font irruption.
Ce qui frappe chez Pitchoul, c'est sa façon de filmer les lieux. Il donne à chacun d'entre eux une concision (presque une abstraction) poétique saisissante. Deux ou trois repères, et on sait comment la vie circule ici, comment le temps passe. Pour l'appartement familial, ce sont les confitures de la mère, la vodka et les cornichons du père, l'ampoule cassée, et le balcon. Pour l'extérieur, c'est un port, la silhouette des usines, une voie ferrée, une place pavée où on a dessiné des étoiles sur les palissades. Et quand les flics arrivent, la nuit, la foule des jeunes qui dansent et se bagarrent franchit d'un bond les étoiles. Tout est de cet ordre. A nos amours cherchait à imprégner son théâtre hystérique de la douceur des grands peintres - ici, c'est le même théâtre, mais ce qui est visé, c'est l'espace, c'est la circulation poétique des êtres, des objets et des éléments (comment le couteau fait son apparition, comment une pluie de grêlons peut tout changer, comment on repose un portrait à sa place).
Vera a l'amour fou pour seul salut - pour échapper à l'alcoolisme de son père, à la paresse psychique de sa mère, à l'effondrement général d'une société figée dans des convenances et des philosophies qui n'en sont plus, elle doit tout réinventer, même s'il lui faut un peu tricher, un peu mentir, et parfois se décourager. En jeu, dans chacune des scènes de La petite Vera, rien de moins que l'existence - et ce qu'elle vaut, toujours considéré avec l'oeil vif et sans scrupule de l'adolescence.

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