samedi 25 avril 2009

Carnet de notes pour une Orestie africaine - Appunti per un'Orestiade africana - Pier Paolo Pasolini




Au contraire de ses films finis, de ses formes pleines et viriles, ce film de Pasolini, fait de repérages et d'études préparatoires, est traversé de doutes, de contradictions, d'un incessant questionnement en guise de moteur - qu'est-ce que l'Afrique ? et qu'est-ce que l'Orestie a à voir avec l'Afrique ? En ce sens, Carnet de notes et plus proche de l'oeuvre littéraire de Pasolini que de son oeuvre cinématographique, de son style écrit qu'on connaît, souvent en vers libres, cherchant la plus grande proximité possible avec le mouvement de la pensée.
On retrouve bien sûr sa puissance picturale, son travail de peintre, qui, à partir d'une tasse de café posée sur du sable décrit le monde, à partir d'un visage élabore une cosmogonie, mais ce qui bouleverse le plus, c'est la fébrilité de son intuition : l'Orestie, c'est l'Afrique des années 60. Intuition mise en doute par une poignée d'étudiants interrogés par le cinéaste, mais qui ne cesse de trouver sa confirmation dans l'image. On en vient même à se demander si 'faire le film' aurait apporté quelque chose de plus. Il y a de telles évidences, une telle immédiateté, lors que le cinéaste nous dit "voilà Oreste", "voilà le temple d'Appolon", "voilà les Erynies", il y a une telle foi et un tel courage dans l'affirmation, que la forme déliée, peut-être un peu atone du Carnet de notes, la dimension d'esquisses des cadres tremblés, n'entame en rien la puissance métaphorique du film. Et c'est sans doute grâce à cette forme, grâce à la mise en perspective des doutes et des questionnements, que les images se dédoublent, plus qu'elles ne s'anéantissent - une vibration très particulière tient ce film d'un bout à l'autre. On comprend alors beaucoup de choses, sur ce qu'est le travail d'un cinéaste, sur la façon dont il passe de l'idée à sa représentation, dont il compose avec le réel et l'imaginaire, avec la théorie et la rencontre.
C'est aussi un formidable document sur une certaine géographie africaine, une manière d'enregistrer les traces de l'Occident, dans l'architecture, dans les vitrines des librairies, et dans les corps. Un monde en mutation, acquérant peu à peu la forme des démocraties canoniques. L'Afrique, à travers les yeux de Pasolini, serait ce continent ayant subi une défiguration, sans investir pleinement la nouvelle figure imposée.
Le film termine sur ces mots : "Son futur est dans sa fièvre du futur. Et sa fièvre est une grande patience." Les temps archaïques sont encore là, et on ressent, parfois violemment, la naïveté qui anime le désir de démocratie - l'échec promis de ce désir. Un continent peuplé de fantômes.

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