dimanche 21 décembre 2008

Fitzcarraldo - Werner Herzog



Je ne sais pas s'il existe un film ayant touché d'aussi près le réalisme de l'absolu. Même Andreï Roublev me paraît faible à côté de Fitzcarraldo. Parce que Herzog ne joue pas d'une intervention divine : c'est l'absolu à hauteur d'homme. Peut-être surhumain, mais pas divin (si intervention divine il y a, c'est plutôt dans la contradiction des projets humains).
On pourrait opposer deux petites choses au film :
- Claudia Cardinale, complètement anachronique (elle respire la fausse bonne idée d'un producteur peureux) ;
- la post-synchronisation : cette façon qu'a Herzog d'épurer le son (on n'entend jamais le moteur du bateau - facile alors de glisser deux trois airs d'opéra qui retournent le spectateur) - c'est la partie
fabriquée de Fitzcarraldo.
Mais voilà, ce film a pour lui un style brutal, tranchant, frondeur, sans élégance ni fioriture (à rapprocher peut-être des aphorismes nietzschéens).

Et puis, comme souvent avec ce cinéaste, Fitzcarraldo est l'occasion d'éprouver (ressentir et mettre à l'épreuve) les limites du monde et de la vie terrestre. (De regarder le monde depuis ses limites.) Sortir vivant d'un tel tournage, c'est une victoire à la fois physique et intérieure.
Le visage de Klaus Kinski à la fin du film : l'homme est de retour, et il a vaincu l'homme ancien. Toutes les illusions sont tombées - et c'est seulement à ce moment-là que l'absolu survient, dans son évidence, à portée d'humain. Mais il aura fallu foncer droit dans les mirages de l'esprit.

Fitzcarraldo le dit lui-même : son projet est avant tout d'ordre géographique (faire franchir à un bateau une montagne séparant deux fleuves, pour éviter des rapides meurtriers). Le cinéma de Herzog n'est pas contemplatif (un naturel trop brutal, trop d'envie de dire), mais ce n'est pas seulement un cinéma d'action : c'est un cinéma de l'espace et de son investigation par les hommes.

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