dimanche 5 octobre 2008

Sub - Julien Loustau



Sub est sublime.
C'est un voyage dans la nuit, une Odyssée, une énième conquête de l'Atlantide, un film en travellings dans le noir, travellings imposés par le mouvement du bateau conduisant le cinéaste le long des rives du fleuve Yangtze. Horizontal, donc, mais vertical dans sa narration.
Loustau lit lui-même, de sa voix étrange, grave, belle, un peu absente (on pense à Emmanuelle Riva dans Hiroshima mon amour), un texte qu'il a écrit, sur l'exploration imaginaire (réellement prévue mais annulée) d'un robot de la NASA en quête d'un lac immense, secret, et jamais exploré, sous les glaces de Vostok. Ce texte, par sa précision, sa lenteur, l'emploi de mots scientifiques biscornus, est ininfinemnt poétique. Il nous donne à entendre la persévérance d'un corps pénétrant un univers inconnu. Les images qu'il ramène de ce voyage sont des photographies, que le texte décrit, comme des amas de lumières qui se contredisent, des taches, des empreintes.
Loustau travaille sur la disparition, le caché, l'espace invisible. L'image est principalement noire. Un faisceau, jusqu'au barrage des Trois Gorges, cerne quelques formes indistinctes, de la pluie, une cabane, des arbres, des inscriptions en chinois, des choses. D'autres lumières apparaissent : des phares, une ville, un autre bateau, un éclair qui embrase l'image et dessine les contours des montagnes - micro-événements superbes, toujours émotionnels, intenses. Le texte, lui, est blanc. Limpide. Et la nuit du voyage que nous voyons entre en contraste avec l'éblouissement de celui que nous entendons.
Le bateau va vers un barrage, le robot vers un lieu qui n'a jamais connu l'air de la Terre.
Ces deux histoires font naître un plan, abscisses et ordonnées, suffisamment libre, ouvert, et intrigant (parce qu'il y a du suspense dans ce film) pour que le spectateur puisse s'y perdre, prendre tel mot, l'associer à telle image, les faire se répondre, leur donner de l'écho. C'est d'abord lui qui est en charge de la profondeur du plan. Jusqu'à une fin (double) qui compte parmi les plus belles vues au cinéma, et qui donne au titre toute sa justification : le coeur du film est sub, c'est à dire au-dessous. Je ne vous la raconte pas.
Le travail incroyable réalisé sur le son fait le lien entre ces deux récits, captant des rires, de la glace en mouvement, le courant, des voix lointaines, des chansons.
On pense parfois à Stalker, à Lynch (pour la puissance d'effroi de l'image vidéo), mais aussi à cette séquence de Roma de Fellini, dans laquelle les constructeurs du métro découvrent un palais de la Rome Antique, enfoui sous la ville, et dont les fresques s'effacent aussitôt découvertes. Et ces références-là ne nuisent pas au film de Loustau, tant Sub est maîtrisé, profond, inventif, violent et radical dans sa forme.

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